La gym
N’allez pas lui parler de Newton ni des barbares lois de la gravitation ! Son attraction à elle est une apesanteur.
Asymétriques les barres ? Terminologie trop adulte pour la petite qui tutoie le bois poli comme la trapéziste son axe fragile. Elle ne pense pas, elle joue dans cet espace provisoirement offert, avec aux lèvres un petit sourire amusé. Un trait de liberté dans une discipline sportive alliant la rigueur de ses origines militaires hygiénistes et l’esthétisme. La petite gymnaste défie l’histoire et s’affranchit de la modernité dans sa figure imposée.
Un peu derrière, dans le souffle du mouvement, la monitrice retient le sien. Elle en a vu des justaucorps et des jeunes pousses prometteuses ! Pourtant, elle sait qu’elle tient ici une récompense à son altruiste dévouement. Une vie –ou presque- dans la magnésie et les auréoles de sueur, dans ce mélange improbable de larmes et de gloires éphémères qui donne sens au présent, consistance au passé et trame au futur.
Plus loin, les copines ne manquent pas une miette de la prestation qui tourne à la démonstration. Sagement rangées derrière le plinth, immobile ascenseur, leurs yeux grands ouverts accompagnent les arabesques gymniques…
Tout ira très vite. La sortie de l’agrès, la réception maîtrisée sur le moelleux du tapis, le salut au jury, la note, la plus haute marche du podium, le métal et le marbre de la coupe, la larme à peine retenue de maman…
S’enchaîneront sans lassitude les répétitives séances d’entraînement et les compétitions dominicales…
Sur le visage de la gymnaste une souriante étincelle, une étoile sans crépuscule. Un défi ludique aux lois de la physique et le plaisir de jouer la petite fille de l’air.