L'unité du vivant
…Une heure passée sur un carré d’herbe n’est jamais perdue.
Tout ravit mon œil. La course des nuages et celles des lucanes. La révérence des graminées dans le vent, la discipline des fourmis, le vol des oiseaux qui écrivent des phrases sur la page du ciel. Je pardonnerais presque aux épeires d’être si terrifiantes…Il y a dans la capacité d’émerveillement l’un des secrets de l’énergie vitale. Quelques rares êtres réussissent à se maintenir en perpétuel état de reconnaissance devant le cours des choses… Non pas qu’ils aient affûté leurs yeux à mieux regarder le monde ou qu’ils possèdent une prédisposition au métier de spectateur mais parce qu’ils éprouvent en eux l’unité du vivant. Ils se sentent intégrés à la valse solaire. Ils se savent dépendre de l’astre autant que le chêne et le lombric. Ils développent corps et âme une capacité extrême de réception des signaux du monde extérieur – de ses parfums, de ses couleurs et de ses formes. Ce n’est pas tellement que leurs yeux se tiennent grands ouverts. C’est plutôt qu’ils deviennent eux-mêmes œil ouvert. Ils regardent de toute leur âme, écoutent de tous leurs yeux, reçoivent de toute leur chair. Le monde leur saute au regard comme un enfant heureux vous sauterait au cou. Ils brûlent de l’inépuisable appétit de toujours découvrir quelque chose de nouveau.
Passage extrait du livre de Sylvain Tesson, « Eloge de l’énergie vagabonde »
Avec mes remerciements à Dominique VUILLEREZ qui m'a mis en présence de cet écrit salvateur.